Aide médicale à mourir : une loi qui évolue

Par Ariane Plaisance, docteure en santé communautaire
Dix ans après la légalisation de l’aide médicale à mourir (AMM), le Québec présente le plus haut taux de décès par mort médicalement assistée au monde. Au départ permise uniquement pour les personnes en fin de vie, les conditions préalables à l’AMM ont été élargies plusieurs fois depuis. Voici quelques aspects rarement discutés par rapport à l’AMM. 


Apparition du terme « aide médicale à mourir »

Au moment de la légalisation de l’AMM au Québec en 2015, le Code criminel canadien interdisait de mettre fin à la vie d’une personne même avec son consentement. En définissant la pratique, appelée euthanasie ailleurs, comme un soin, le Québec a contourné le Code criminel canadien puisque les soins médicaux sont de compétence provinciale. Quelques mois après l’adoption de la loi québécoise, suivant le jugement Carter, le reste du Canada a autorisé l’AMM (qui y inclut le suicide assisté). 

Le Québec a ainsi inventé le terme « aide médicale à mourir », terme qui a ensuite été réutilisé dans le reste du Canada, puis maintenant en France. 

Confusion populationnelle

Des études ont démontré que la population québécoise confond avec l’AMM les différentes pratiques de fin de vie telles que le refus ou la cessation de traitement, les soins palliatifs et la sédation palliative continue. Cette confusion serait exacerbée par des facteurs socio-économiques. Certains chercheurs se demandent si le vaste consensus social par rapport à l’AMM au Québec est amplifié par le fait que les gens associent à de l’aide médicale à mourir toute forme d’aide médicale pouvant réduire la souffrance en fin de vie, telle que les soins palliatifs et la cessation de traitement.

La levée des critères d’admissibilité en bref

Peu de temps après la légalisation de l’AMM, des procédures ont été intentées contre le procureur général du Canada et du Québec par deux personnes handicapées qui n’étaient pas en fin de vie. Elles soutenaient que les critères d’admissibilité à l’AMM étaient inconstitutionnels et contraires à la Charte canadienne des droits et libertés. Dans sa décision, la juge Baudouin a invalidé la nécessité d’être en fin de vie pour obtenir l’AMM. Ainsi, depuis 2020, il n’est plus nécessaire d’être en fin de vie pour obtenir l’AMM. 

Alors qu’auparavant, la personne devait être en mesure de donner un dernier consentement avant l’injection finale, la loi C-7, adoptée en 2021, permet aux personnes admissibles à l’AMM qui risquent de perdre leur capacité à consentir aux soins de renoncer à l’exigence du consentement final. Depuis mars 2024, une personne ayant une déficience physique grave entraînant des incapacités significatives et persistantes est admissible à l’AMM. Enfin, le 30 octobre 2024, les demandes anticipées d’aide médicale à mourir (DAAMM) ont été légalisées au Québec. Pour déposer une demande anticipée, la personne doit être atteinte d’une maladie grave et incurable menant à l’inaptitude et être apte à consentir aux soins au moment de la demande. Il est prévu que les personnes souffrant uniquement d’une maladie mentale soient admissibles à l’AMM dès 2027. 

Comme on vient de voir, autant la législation que l’acceptabilité sociale entourant l’AMM ont évolué depuis sa création. Sans remettre en question le principe de base, on peut quand même se questionner sur cette ouverture. Dans un contexte où les soins palliatifs demeurent inégalement offerts et où les conditions de vie de plusieurs sont marquées par la précarité, l’AMM risque-t-elle parfois de devenir une solution à des souffrances sociales non prises en charge?


Ariane Plaisance est docteure en santé communautaire, rédactrice, conférencière, doula (accompagnatrice) de la fin de vie et consultante en accès équitable aux soins palliatifs et de fin de vie. Pour connaître ses services, consultez le www.qulysis.com

Découvrir plus

Entrevue avec Alain Gravel : Mourir autrement
Mourir autrement